L'afflux de candidats à la migration conduit à des traversées dangereuses, provoquant des pertes humaines importantes. Pourtant, une approche plus humaine envers les migrants, en les intégrant mieux, est bénéfique et nécessaire pour les sociétés qui les accueillent.
Ce week-end encore, 80 migrants ont été secourus sur un ferry qui avait pris feu entre Lampedusa et la Sicile. Cette catastrophe évitée nous en rappelle d'autres qui, malheureusement, ne l'ont pas été.
D'après les Nations Unies, près de 24 000 personnes sont mortes en Méditerranée entre 2016 et 2022. Aux États-Unis, les morts de candidats à la migration ne sont pas rares non plus. En 2021, 650 personnes sont mortes en tentant de traverser le désert.
Toujours plus de candidats à l'immigration
Ces accidents se multiplient d'une part, car il y a plus de candidats prêts à tout tenter pour arriver en Europe ou aux États-Unis. En Europe, ces jours-ci, c'est sur Lampedusa que les projecteurs sont braqués. Plus de 12 000 personnes sont arrivées sur l'île en septembre. Aux États-Unis, c'est la ville de El Paso qui est débordée. Les arrestations de migrants en tentant de passer la frontière illégalement augmentent depuis 2020 pour atteindre 250 000 arrestations par mois en 2023.
Mais la recrudescence des accidents est aussi la conséquence de la posture des pays d'accueil, si on peut les appeler comme ça. Le nombre de migrants qui tentent de rejoindre l'Europe par la Méditerranée n'est en fait pas très différent aujourd'hui de ce qu'il était avant le Covid. Mais ce sont les morts qui sont beaucoup plus nombreuses. En juin, la Grèce a été accusée de ne pas secourir un bateau en détresse avec plus de 500 personnes à bord. L'Italie aujourd'hui saisit des bateaux qui sauvent des migrants en mer. Aux États-Unis, les passages urbains de la migration, comme à San Diego, ont été fermés, forçant les migrants à passer par le désert, beaucoup plus dangereux.
Des tragédies, conséquences d'une politique dure contre la migration
Les politiciens comme Giorgia Meloni parlent facilement d'invasion, comme si c'étaient les barbares qui étaient à nos portes. Mais il faut garder les proportions en tête. Douze mille arrivées en un mois, c'est beaucoup pour une île de 6000 personnes. Mais c'est peu pour l'Italie et encore plus pour l'Europe.
Sur l'ensemble de l'Europe, le solde migratoire net est typiquement autour de 1 million par an. Il était plus élevé en 2022, c'est vrai, mais c'était en partie dû aux arrivées de réfugiés ukrainiens. En 2021, moins de 5% des habitants de l'Union européenne n'étaient pas originaires de l'Union, et en France, moins de 7%. On ne peut pas vraiment parler d'une invasion.
Tous ces migrants pourraient être absorbés s'ils étaient accueillis et répartis dans les territoires dans lesquels l'économie a besoin d'eux. Pourtant, la France, par exemple, refuse, en toute illégalité, d'accueillir les migrants à la frontière italienne. Donc, nous sommes dans une situation paradoxale où la crise est créée de toutes pièces par les tentatives d'endiguer les flux qui sont soi-disant non gérables.
À écouter
Les migrants ne risquent-ils pas de prendre la place des locaux ?
Des centaines d'articles de recherche ont été écrits sur cette question. Et dans l'ensemble, la réponse est très clairement non. Les migrants ne se substituent pas aux travailleurs locaux, ils font les tâches dont ceux-ci ne veulent pas. Un article récent sur l'effet des restrictions fortes sur la migration que les États-Unis ont mise en place à partir de 1920 montrent même que couper les flux migratoires a fait diminuer les salaires des Américains de souche. En Europe, de plus, nous avons besoin d'immigrants pour ne pas voir fondre notre population. Ce sont eux et leurs enfants qui vont payer nos retraites.
Et pourtant, loin de proposer des solutions pour accélérer leur intégration en leur donnant le droit de travailler et en les aidant à s'installer, nos leaders politiques semblent s'efforcer de créer le chaos. En France, la seule mesure sociale du projet de loi sur l'immigration, celle sur la régularisation des travailleurs illégaux dans des secteurs en tension, est en train de peu à peu s'effacer. Je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il y a un peu de cynisme derrière le choix de privilégier la dramatisation à la raison.
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